Accueillir Ramadan en pleine crise sanitaire mondiale n’est pas si évident. Les années précédentes, de nombreux patients consultaient spécifiquement à l’approche de Ramadan pour s’enquérir de leur capacité à jeûner (femmes enceintes, allaitantes, malades chroniques), les retraités venaient chercher leurs ordonnances habituelles pour rentrer dans leur pays d’origine, les travailleurs prenaient conseil pour adapter leur alimentation et travail au jeûne…Cette année, le confinement a bouleversé les habitudes. Les préoccupations santé générale sont relayées au second plan, très loin derrière la question du COVID 19, et cela me semble très inquiétant.
Il est certain que le contexte actuel de pandémie monopolise les esprits. Comment pourrait’ il en être autrement, étant donné la nouveauté de l’évènement pour la majorité des personnes et l’omniprésence de la question dans les médias, au point que personne n’y prend plus la parole sur un autre sujet ! Nous n’avions effectivement jamais vécu une telle inquiétude planétaire, avec un retentissement concret sur nos quotidiens, nos projets, tous sommes concernés. La vie s’est arrêtée, comme dans une parenthèse dont nous ne voyons pas la fin…Le Ramadan nous surprendrait presque dans cette ambiance léthargique…
Qu’est ce qui va changer, en pratique, cette année ? Tout d’abord, le risque de développer le COVID 19 pendant le mois. Ensuite, les répercussions du confinement sur cette pratique.
Concernant le risque de développer le COVID 19, il faut savoir que le fait de jeûner ne l’augmente pas, il n’y a pas de fragilisation du corps par le jeûne, lorsqu’on est en bonne santé. Le jeûne a même des vertus thérapeutique. Il permet aux métabolismes de se reposer et de favoriser la régénérescence tissulaire, de se concentrer sur la fonction immunitaire plutôt que digestive. C’est pour cela qu’il est pratiqué dans de nombreux pays, pour prévenir le cancer par exemple. Si un individu en bonne santé contracte le sars-cov 2 pendant le mois et développe une forme symptomatique du COVID, évidemment il interrompra son jeûne, car il devra s’hydrater tout au long de la journée, se surveiller, et aura peut être besoin de médicaments ou oxygénothérapie.
Concernant les personnes porteuses de maladies chroniques, les femmes enceintes ou allaitantes, les conseils sont les mêmes que les années précédentes. Votre médecin traitant vous autorisera à jeûner selon votre pathologie, sa gravité, sa stabilisation, les traitements que vous prenez, et votre état de santé actuel, ou vous découragera s’il y a un risque d’aggravation par le jeûne.
On oublie souvent d’en parler, mais parfois des personnes en bonne santé souffrent du jeûne spécifiquement. Il s’agit de ceux qui ont une sensibilité gastrique, pas forcément une maladie ulcéreuse, mais le jeûne provoque des brûlures ou douleurs insupportables, ceux qui ont tendance à être constipés, ceux qui souffrent d’infections ou calculs urinaires quand ils boivent moins, ceux qui perdent facilement du poids chaque année pendant ce mois. Ils devraient tous consulter leur médecin traitant avant le jeûne pour prendre conseils et traitements préventifs si nécessaire.
Concernant les répercussions du confinement sur la pratique du jeûne du Ramadan, elles sont très nombreuses.
Une attention particulière doit être portée aux retraités qui avaient l’habitude de passer le mois dans leur pays d’origine. La journée y était plus courte, la nuit rythmée par les traditions familiales, la prière de nuit (tarawih) à la mosquée avec son rôle spirituel mais aussi grand moment de sociabilisation…tout cela va leur manquer. Ils vont jeûner en mode confinement, sans famille autour d’eux, sans prière à la mosquée…ça risque d’être psychologiquement très difficile pour eux…Il s’agit donc de veiller sur eux, de leur apporter toute la chaleur humaine possible, occuper leurs journées, leur donner l’espoir des beaux jours à venir afin de ne pas laisser l’anxiété et la tristesse les affaiblir…
Les ruptures de jeûne en famille et entre amis vont manquer à tous, surtout à ceux qui sont isolés, les étudiants, les célibataires qui vivent seuls, les expatriés, les sans papiers, les sans domiciles fixes, ceux qui se retrouvaient dans les iftar à l’université, au restaurant, en plein air, dans les mosquées, ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un petit cocon familial et d’être confinés à plusieurs…Comptons sur l’intelligence collective pour trouver des solutions alternatives, comme les web iftar, les distributions de paniers alimentaires, etc…N’oublions pas que le côté traditionnel familial festif est un aspect du jeûne du Ramadan, mais ce n’est pas le plus important. Ce rite est avant tout une expérience spirituelle individuelle, l’occasion de se recentrer sur soi même, sur sa foi, sur sa pratique, d’élaborer un programme individuel, de rompre avec la routine de la vie citadine dans laquelle nous nous oublions et nous perdons …
En pratique, le confinement limite nos déplacements et notre activité physique. Il s’agit donc d’essayer d’en maintenir tout de même un minimum. Le risque pour les plus âgés est la fonte musculaire et la maladie thrombo embolique (phlébite, embolie pulmonaire), et pour tous la prise de poids avec ses conséquences cardio vasculaires. . Il est autorisé de sortir pour marcher ou courir en respectant un périmètre et une durée définis, il ne faut pas s’en priver. D’autant qu’une exposition au soleil de vingt minutes par jour est excellente pour le moral et favorise la production de vitamine D, au rôle bénéfique dans la défense immunitaire, à ne pas négliger pour les confinés sans jardin ni terrasse…On trouve aussi sur la toile nombre de vidéos pour pratiquer une activité sportive à la maison, adaptée à son âge , à son poids, à son état de santé, et à ce qui fit plaisir à chacun (marche sportive, fitness, zumba, etc…). Essayons d’en maintenir surtout la régularité, en privilégiant l’horaire fin d’après midi pour ne pas rester assoiffés longtemps…Enfin il est un acte d’adoration qui, pratiqué avec application et concentration, peut également être une activité physique très intéressante à ne pas négliger, surtout quand on est confiné ! Il s’agit de la prière prolongée de tarawih. En effet, en soignant les mouvements, en les accomplissant lentement et en les prolongeant, en tâchant de se tenir bien droit, de gainer les muscles abdominaux, de respirer profondément, la prière devient une activité physique et relaxante !
Enfin concernant l’alimentation , il s’agit de priviliégier les aliments sains, non transformés, fruits secs et crus, légumes et légumineuses, jus frais et smoothies maison, et bien sûr soupes pour s’hydrater correctement. Evitez les fritures et sucreries qui épuisent le métabolisme, limitez quantitativement les féculents si vous limitez l’activité physique, et mangez lentement en mastiquant longuement pour faciliter la digestion. Il s’agit d’adapter son alimentation à ses efforts, et ne pas manger au-delà…
En ce qui concerne l’immunité afin de prévenir le COVID, à chacun sa recette ! Les vitamines D, C et le zinc sont unanimement reconnus utiles et davantage prescrits par les médecins depuis le début de l’épidémie. En Phytothérapie, l’échinacée poupre stimule les défenses anti virales, de même que la gelée royale. Les plantes dites anti infectieuses sont le cyprès et le pin sylvestre. En aromathérapie, les huiles essentielles indiquées sont, entre autres, la ravintsara, l’encalyptus radié et le pin sylvestre, veillez toutefois à respecter les posologies et contre indications. Ce ne sont pas des traitements du COVID 19, mais des compléments alimentaires qui aident à en prévenir et limiter les symptômes. Alimentation légère et saine et activité physique régulière demeurent néanmoins vos meilleurs atouts santé tout au long de l’année.