Non, la charte de la laïcité placardée dans les écoles de France ne doit déranger personne, même s’il n’y avait pas besoin de tel cérémonial parce que, n’en déplaise aux nostalgiques d’une France monochrome et qui la souhaitent aujourd’hui crispée, la laïcité n’est pas menacée dans ces écoles.
Oui, il y a besoin d’autorité, une réelle autorité qui signifie que les enseignants sont auteurs de la formation qu’ils dispensent à leurs élèves, et c’est de cela que ces enseignants ont le plus besoin ; d’être considérés dans la noble mission qui est la leur, et dans la place de formateurs des générations futures qu’ils occupent. Un élève qui conteste ce que le professeur lui enseigne ne pourra tenir devant l’argumentaire et le savoir-faire-savoir d’un enseignant, et l’élève qui joue plus à faire le rebelle qu’il ne s’exprime pour comprendre, peut être exclu sans problème.
A ce propos, les victimes de la loi du 15 mars 2004 furent de bonnes élèves ; si le cursus scolaire public leur est interdit, c’est à cause d’une loi attentatoire à leur liberté individuelle, et dont la conformité à la constitution n’est toujours pas prouvée. La charte de la laïcité est donc là comme un symbole de plus, et elle ne peut être exempte de sous-entendus qui, certes, ne se manifestent pas dans le texte, mais dans le moment choisi pour sa publication.
Alors que ses connaisseurs les plus fins ne cessent de rappeler que la laïcité ne saurait être la négation et encore moins la lutte contre une religion, d’aucuns continuent à l’invoquer pour discriminer, exclure. Des pseudo-laïques qui arguent de l’égalité pour discriminer, et de la liberté pour mieux entraver. Et dans ce jeu d’alternance où la laïcité pour certains acteurs de la droite se résume à un souci de l’identité nationale, et pour d’autres acteurs de la gauche à un rejet de tout ce qui se rapproche d’un sentiment religieux, les musulmans restent malgré eux le sujet du débat.
Cette charte apaisera peut-être des craintes là où il devrait y avoir des explications, et flattera deségos aigris de voir que leur conception de la laïcité n’est pas la bonne. Craintes et égos de ceux qui refusent de comprendre qu’être laïc incombe à l’institution et non aux élèves, et qu’être laïc ce n’est pas voir dans les croyants des ennemis, fussent-ils musulmans.
Des partisans d’une laïcité de combat ont voulu de la laïcité qu’elle se charge de chasser des élèves de l’enseignement public pour leur seule tenue vestimentaire, ils ont réalisé leur projet, au mépris de cette même laïcité. Ils cherchent aujourd’hui à chasser les mamans voilées des écoles, et à proscrire toute visibilité d’étudiantes voilées à l’université. Leur argumentaire ne cesse de s’adapter. S’il ne s’agit pas du besoin d’émanciper des citoyens « malgré eux », il s’agira de combattre des « ennemis » de la République forcément descendants des ex-colonies, voire acquis à une cause maléfique internationale.
Dans l’entreprise des séparations de tous genres, il ne reste plus qu’à pousser à son paroxysme la séparation des citoyens de leur propre conviction, au nom de la liberté, et au nom de la séparation de l’état et des églises. Le discours belliciste est de plus en plus usité par les adeptes de cette « laïcité », les termes « combat », « territoires perdus de la laïcité » sont banalisés, mettant en otage un principe qui signifie le respect des libertés individuelles, et opposant aux églises la mainmise d’une seule église immatérielle, mais dont la bâtisse ne cesse de s’élargir pour prendre possession de tous les lieux, de toutes les sphères et de tous les esprits.
La séparation de la politique des enjeux économiques est abandonnée, et le décideur politique n’a de choix que d’éponger les dégâts causés par les acteurs de la finance, à défaut de pouvoir assumer « un combat » contre eux. La séparation des médias de ces mêmes acteurs qui concentrent les capitaux est, elle aussi, abandonnée, et sauf rares îlots de liberté et de courage journalistique, la scène est un océan de financiers salariant des plumes…A défaut d’assumer les séparations qui minent, on fait mine d’agir sur le plus faible maillon ; faire endosser à l’usager du service public, les exigences qui s’imposent à celui-ci.
Inaugurant la charte dans un collège La Ferté-sous-Jouarre, Mr Peillon a déclaré : « La laïcité est un combat, non pas contre certains, mais pour tous, pour ce qui rassemble et doit rassembler tout le monde », belle phrase qu’on aimerait tant croire, mais sans réel effet sur le terrain, puisque les actes islamophobes les plus abjects sont difficilement condamnables par les politiques, et lorsque c’est le cas, c’est plus pour sauver la face, en faisant exception de la règle d’un mutisme douteux. Le collègue de Mr Peillon, Mr Valls avait déclaré que pour la République, le combat contre le voile est une priorité, proclamant haut ce que Peillon voile à peine par une formulation habile.
N’est-ce pas lui, vincent Peillon qui dans « la révolution française n’est pas terminée » écrit : « l’événement de la mort de dieu ne doit pas passer, il doit perdurer comme mort continuée comme deuil sans terme ». Peillon a le droit de penser cela bien sûr, mais entre le penser et préparer des lois de plus en plus coercitives pour y contraindre les usagers, ici les élèves, il y a un petit pas à franchir, ce qui n’est possible que par la contrainte des lois qui ne cessent d’être promues ou préparées.
Le ministre de l’éducation a déclaré au JDD du 1erseptembre 2012 : « Le but de la morale laïque est de permettre à chaque élève de s’émanciper………Pour donner la liberté du choix, il faut être capable d’arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel, pour après faire un choix ». « Arracher », en dit long sur ce regard méfiant sinon incriminant jeté sur la famille et sur ce qui y est véhiculé comme valeurs et morale « non laïques » ! En laissant libres les interprétations philosophiques de la laïcité comme « état intérieur », n’allons-nous pas vers un avenir où la laïcité servira de catalyseur pour pousser certains à toujours en demander plus, quitte à porter atteinte aux droits fondamentaux tel que l’avait suggéré allégrement François Baroin ? N’est-ce pas le ministre de l’Intérieur de la République qui, suite à l’affaire Baby Loup n’a pas manqué de montrer son embarras, transgressant ainsi une autre séparation qui doit être nette ; celle qui s’impose entre les pouvoirs politique et judiciaire ?
Après, on demandera toujours aux musulmans de ne pas « trop en faire », parce qu’ils ne sont pas visés. Comme si ce n’était pas de la faute de cette nouvelle « laïcité » si elle ne met à la porte des écoles que les filles voilées (et les sikhs), si elle ne cherche à barrer les portes de l’université qu’aux étudiantes voilées, et si elle ne veut mettre des entraves qu’aux salariées voilées jusqu’aux nounous chez elles !
Hassan Safoui
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Bonjour à tous les musulmans et surtout ceux de France, qui constituent une personne importante de cette nation, et qui partage donc de nos jours l’héritage des droits de l’homme mais reste peu bruyante sur les crimes commis par leur frère d’âme en Irak et Syrie. Ce presque silence est désolant, ne serait-il pas convenable de manifester fortement contre celà, avec la même force de vos meilleures manifestations ? car vos voix de tolérance porté autour de la planète auront le pouvoir du retour à la raison afin que cesse ces horreurs.
(je n’attends pas une réponse mail mais une « actualité » serait bienvenue, merci d’essayer)