Le rendez-vous est pris, le 21/11/2021, je fais les 2h30 de route qui sépare ma ville normande du Havre pour Bagnolet en Île de France.
C’est un mélange de questionnements, d’appréhensions, avec une certaine émulation et un bel enthousiasme que je suis ravie d’avoir été conviée aux premières assises du Conseil des Imams de France.
Je suis depuis un certain temps déjà et je connais les enjeux de la mise en place d’une telle instance. Je reconnais l’importance de réfléchir à la question du statut de l’imamat en France, sur la question de la transmission mais aussi sur l’organisation et la formations des cadres religieux.
Imams, mourchidates, cadres religieux : ces individus qui, depuis tant d’années, sont les remparts sur le terrain contre l’obscurantisme. Nous sommes ces individus, ceux qui se lèvent pour défendre la compatibilité de l’islam et de la république. Ceux dont on parle peu car il est bien connu que « l’arbre qui tombe fait plus de bruit que la forêt qui pousse ».
Nous sommes ces individus, mais nous n’avons rien inventé, d’autres nous ont précédés, voilà ce dont je prends conscience en écoutant l’ouverture des échanges avec le discours du président de Musulmans de France, Mohsen Ngazou. Ma gratitude envers ceux qui ont construit des ponts pour que l’islam de France grandisse est clairement affichée lorsqu’un peu plus tard dans l’après-midi, Amar Lafsar le prédécesseur à la présidence de Musulmans de France de Mohsen Ngazou, reprend la parole.
Le premier mot qui me vient : Alhamdoullilah, gloire à Dieu d’abord.
J’écoute les échanges qui s’enchaînent et mes craintes se dissipent. Il est vrai que je m’inquiétais de voir des fédérations gérées le statut des imams de France, je comprends alors de façon limpide que le CNI se compose d’imams. Un projet porté par des imams au service des imams, ce propos reprit par Chems-Eddine Hafiz me rassure. Comme le souligne le recteur de la grande mosquée Paris, le temps est venu de tirer enseignement des échecs du passé. Il est certain aujourd’hui que la structuration de l’islam de France doit passer par la présence des imams. Si tel n’est pas le cas, alors la gestion du culte musulman est vouée à l’échec d’où la nécessité de création du CNI.
Vient alors le moment de la pause, happée par le côté solennel de cette réunion, je n’ai même pas fait attention aux personnes présentes.
Il faudra attendre ce temps convivial pour que je ressente la pluralité, la richesse, la diversité de l’islam de France. Cette journée est un hommage à la mixité qu’elle soit d’âge, de sexe, d’origine.
Ce qui me frappe d’abord est le nombre de personnes et puis je constate que les participants sont tant visages, tous ces qui composent la société française.
Je rencontre alors des sœurs venues des 4 coins de France, elles ont fait le déplacement parce que le sujet abordé est fondamental pour l’exercice du culte musulman en France. Lors de notre échange, nous prenons conscience de toute la teneur inclusive avec laquelle ce projet a été pensé.
A l’issue de la pause, les échanges et débats se poursuivent. Étant d’une nature très optimiste, je prends la mesure de ce que mes semblables ont vécu. Lors des prises de paroles publiques, je suis interpellée par les encouragements de cet imam remplaçant dans le nord de la France qui note cette avancée comme un fait historique dans l’agrément des imams.
Je m’aperçois alors que mon optimiste est partagé par beaucoup. Et je rêve à l’idée future que la création du CNI permettra de développer des vocations dans la tête de nos petits garçons.
Un peu plus loin, mon regard croise celui de ce petit garçon dans une poussette, le seul enfant de l’assemblée (sage comme une image MachAllah). Une pensée me submerge : qui le sait ? Reconnu, agréé, valorisé, rémunéré, le métier d’imam figurera sans doute plus souvent dans les réponses de nos garçons à la question : tu veux faire quoi quand tu seras grand ?
Voilà le vrai défi, œuvrer en faveur des générations futures pour ensemble construire un monde où libéré des polémiques, des débats stériles et des pollutions spirituelles l’humain pourra se réunir autour d’espoirs communs. Des croyances différentes et des espoirs communs voilà le projet sociétal que le grand rabbin Haim Korsia est venu porter à notre conscience. Ce sont des mots fraternels, réalistes, conscients et engagés sous le spectre d’un avenir commun que notre frère en humanité est venu témoigner à l’ensemble de participants.
Je rentre chez moi et je me dis que j’ai participé à un tournant historique dans l’histoire de l’islam de France
Que Dieu nous aime
InchaAllah
Témoignage vidéo de notre soeur Charlotte Vrignaud : ICI