CRISES : QUELLES ALTERNATIVES FACE AUX PEURS ?
Culture, identité, laïcité
Les deux vagues d’attentats sanglants, qui ont meurtri l’année 2015, ont plongé la société française dans l’effroi et ouvert un vaste chantier d’interrogations d’ordre aussi bien politique, social qu’éducatif.
Face à la gravité de la menace, les acteurs musulmans sont sommés par le politique de se désolidariser et de répondre des actes terroristes comme si l’islam était tenu responsable du monstre né des entrailles de l’Hexagone.
Or, il est de notoriété commune que le phénomène de l’extrémisme est plus complexe et qu’il appelle à une étude globale, capable de le replacer dans ses interactions politique et géopolitique, notamment.
La perspective contextuelle peut a priori offrir une première clé d’analyse qui suggère d’emblée que la nature de ce phénomène dépasse les cas de quelques individus isolés se réclamant de l’islam pour rencontrer un courant de pensée structuré autour du radicalisme violent.
Tandis que certains intellectuels y détectent une « islamisation de la radicalité », d’autres préfèrent y voir une « radicalisation de l’islam » qui trouve écho dans une série de ruptures avec la société (chômage, stigmatisation, précarisation etc.).
Considérant que les trajectoires des candidats au terrorisme de Daech offre une matière aux sciences sociales, il semble opportun d’interroger la portée réelle des leviers identifiés jusqu’à présent et de déterminer, par ailleurs, les enjeux du moment politique.
En l’espèce, ces événements particulièrement graves, bien que relativement récents, motivent les responsables politiques à modifier notre Constitution. Le projet d’y introduire la déchéance de nationalité, au-delà de son efficacité, soulève le problème d’une plausible remise en cause des principes de la République.
En effet, une partie du discours politique s’est cristallisée sur « l’identité » ou sur la notion « d’appartenance à la communauté nationale » suggérant par la même que les identités communautaires (au sens large) ne seraient pas solubles dans l’identité citoyenne.
En outre, certaines voix se lèvent pour dénoncer les dérives du discours sécuritaire. Ce dernier, s’il promet la sécurité, profite d’abord à la crispation sociale et identitaire et piétine nos libertés individuelles.
Dès lors, quelles réponses pouvons-nous apporter à l’effritement du lien social, à la crise du Vivre-Ensemble, et à la tentation du repli ?
Quels types de mobilisations collectives pouvons-nous mener afin de contrer le vent de l’islamophobie qui prospère sur les terres arides du populisme ?
Comment faire pour que les décideurs politiques prennent mieux en compte les besoins d’une certaine jeunesse à qui, à force de stigmatisation et de préjugés, on a renvoyé une image négative ?
Quelles mesures pouvons-nous envisager afin que l’islam de France trouve une place à la hauteur des enjeux actuels ?
A ce titre, rappelons que le concept « islam de France » a fait du chemin, depuis ses prémisses, il y a environ trente ans. Pourtant les contours de son potentiel sont insuffisamment explorés. S’il permet de mettre en avant une lecture dite « contextualisée » de la pratique de l’islam, il appelle encore à être approfondi et à s’inscrire de façon harmonieuse dans le cadre national.
L’objectif de ce colloque est double : d’abord, mieux comprendre ce que l’on appelle communément la « radicalisation » liée au terrorisme au moyen d’une approche pluridisciplinaire ; ensuite mieux cerner la question identitaire dans notre contexte laïc, tout particulièrement, afin d’en tirer le meilleur profit pour notre vivre-ensemble et notre démocratie.
Ce colloque se déroulera sous forme de quatre sessions croisant les regards de chercheurs, experts et responsables associatifs.
PROGRAMME
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10h00-10h20 : accueil des participants
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10h20-11h10
Première session : Allocutions d’ouverture du colloque
Amar LASFAR, Président de l’Union des Organisations Islamiques de France
Dalil BOUBAKEUR, Recteur de la Grande Mosquée de Paris, Président de la Fédération de la GMP, Président d’honneur du CFCM.
Anouar KBIBECH, Président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM)
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11h10 – 13h00
Deuxième session : Ruptures politiques, économiques et sociales au service de la radicalité
Les différents types de ruptures sociales (désaffection du politique, crise économique et son chômage de masse, nouveaux défis éducatifs…) peuvent être des facteurs explicatifs complémentaires aux raisons proprement individuelles des comportements extrémistes. Dans quelle mesure les crises sociétales expliquent-elles les phénomènes d’extrémismes ? Quels sont les éléments ou les discours qui viennent conforter leurs éventuels effets ?
L’émergence des identités, ou plutôt de certaines composantes de l’identité, conduit-elle à des comportements radicaux au sens large ? Ou est-ce plutôt la violence sociale exercée sur certaines composantes identitaires qui favoriserait le repli ou la radicalité ? Quels regards porte la société sur l’action militante « communautaire » ? La présence musulmane menace-t-elle réellement l’identité française ?
Modérateur : Tarek Mami.
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13h30-15h00 : Déjeuner
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15h00-16h30
Troisième session : Identité, Islamité et Citoyenneté : Quelles interactions dans une société en mutation ?
Cette session s’intéresse aux interactions possibles entre l’identité française, si puisse-t-elle être définie, et l’appartenance à l’islam. Prenant à témoin 40 ans de présence musulmane, y a-t-il eu une acculturation de l’islam ou plutôt l’émergence d’une culture musulmane à la française ? Comment la laïcité à géométrie variable peut impacter le sentiment d’appartenance ?
Modérateur : Sami ABDESSALAM
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16H30-17H45
Quatrième session : Construire les fondements de l’islam de France : Quelles lectures et quelles pratiques ?
Bien que la réforme de l’islam eut été toujours engagée, en ce qui concerne la période contemporaine, l’actualité questionne de nouveau l’évolution de l’islam dans une société sécularisée. Quelles sont les pistes possibles pour faire émerger un islam de France ou européen avec ses propres bases conceptuelles ? Quelles sont les variétés des lectures de l’islam et leurs réalités sociales ? Quel est le contenu de l’islam dit du “juste-milieu” ? Comment peut-on accompagner le changement sociétal du renouvellement de la compréhension des textes et inversement ?
Modérateur : Mohamed ATEB
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17H45-18H00
Conclusion du colloque
Makhlouf Mameche, Vice président de l’UOIF
Intervenants (par ordre alphabétique)
Jean Baubérot : Spécialiste de la Laïcité, Sociologue, Professeur émérite spécialiste de la sociologie, Ecrivain
Malik BEZOUH : Physicien, Ecrivain.
Larbi ELBICHRI : Conférencier, Enseignant à l’IESH, Responsable de Dar El Fatwa
Azzedine GACI : Physicien, Recteur de la mosquée de Villeurbanne
Bernard GODARD : Spécialiste de l’Islam de France, ancien chargé du bureau du Culte au Ministère Intérieur, Ecrivain.
Ahmed JABALLAH : Conférencier, Doyen de l’IESH de Paris.
Raphaël LIOGIER : Sociologue, Professeur à l’Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence, directeur de l’Observatoire du religieux.
Mohsen NGAZOU : Conférencier, Directeur du collège-lycée Ibn Khaldoun
Tareq OUBROU : Recteur de la Grande Mosquée de Bordeaux, Ecrivain
Mme Sayida OUNISSI : Doctorante de Paris1, Députée en Tunisie pour la zone France
Tariq RAMADAN : Islamologue, Professeur à l’Université d’Oxford, Ecrivain