Trois ans après la naissance du Prophète — paix et bénédictions sur lui —, vers 573 E.C., La Mecque vit naître « le meilleur homme sur terre hormis les prophètes » [2]. Dans une famille Qurayshite de la tribu de Taym [3], naquit `Abd Allâh Ibn Abî Quhâfah (alias Abû Bakr), de son nom complet `Abd Allâh Ibn `Uthmân Ibn `Amr Ibn Ka`b Ibn Sa`d Ibn Taym Ibn Murrah Ibn Ka`b. Sa généalogie rejoint celle du Prophète — paix et bénédictions sur lui — au sixième ancêtre, Murrah Ibn Ka`b. Sa mère, Salmâ Bint Sakhr, surnommée Umm Al-Khayr, fut parmi les femmes ayant embrassé l’islam avant l’Hégire alors que son père ne l’embrassa que tardivement.
À l’époque pré-islamique, Abû Bakr était surnommé « `Abd Al-Ka`bah » (le serviteur de la Ka`bah). Ce n’est qu’aprés l’avènement de l’islam que le Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui donna le nom de `Abd Allâh (le serviteur d’Allâh) et le surnomma « Al-`Atîq » (l’affranchi, l’épargné) car il expliqua à son sujet : « Abû Bakr est celui qu’Allâh affranchit du feu » [4]. L’on rapporte également qu’il fut surnommé de la sorte en raison de sa beauté [5] et de ses vertus qui, parmi les Qurayshites, le distinguaient ainsi que ses ancêtres. Son surnom Abû Bakr provient du fait qu’il était souvent le premier à proposer et à entreprendre des œuvres de bienfaisance [6] Il fut plus tard surnommé « As-Siddîq » (Le Véridique) pour avoir résolument cru à l’évènement d’Al-Isrâ’ wal-Mi`râj (Le voyage nocturne et l’Ascension) alors que d’autres Compagnons mirent du temps avant d’y adhérer [7].
Avant l’avènement de l’islam, Abû Bakr ne partageait pas les croyances des Qurayshites. Il ne se prosterna guère devant une idole et ne but jamais d’alcool. Un jour, on lui demanda : « Ne voudrais-tu donc pas te prosterner devant Al-Lât et al-`Uzzâ ? » Et Abû Bakr de s’interroger : « Qui sont-elles ? » On répondit : « Les filles d’Allâh ! » Il s’exclama : « Qui est donc leur mère ? » Par ailleurs, Abû Bakr faisait partie des notables les plus respectés de Quraysh et l’un de ses plus fins connaisseurs en matière de généalogie des tribus arabes.
Commerçant aisé, Abû Bakr se maria durant la période pré-islamique avec Qutaylah Bint `Abd Al-`Uzzâ ; mariage qui donna naissance à Asmâ’ Bint Abî Bakret `Abd Allâh Ibn Abî Bakr, deux grandes figures de l’islam. Il épousa ensuite Umm Rûmân qui lui donna `Abd Ar-Rahmân et la Mère des Croyants `Â’ishah. Après l’avènement de l’islam, Abû Bakr épousa Asmâ’ Bint `Umays, qui lui donna Muhammad, avant d’épouser Habîbah Bint Zayd Al-Khazrajiyyah qui lui donna Umm Kulthûm.
« Abû Bakr, tu es mon compagnon sur le Bassin et mon compagnon dans la grotte » [8]
L’amitié qui lia Abû Bakr au Prophète ne vit pas le jour au lendemain de la révélation du Message puisqu’elle datait de plus loin. Non seulement leurs nobles caractères les avaient rapprochés, mais aussi leurs voyages ensemble avec les caravanes commerciales partant vers la Syrie eurent un grand effet sur la consolidation de leurs liens d’amitié. Ce fut durant l’un de ces voyages, que la caravane Qurayshite croisa le moine Bahîrâ qui, ayant très tôt aperçu les signes de la prophétie de Muhammad — paix et bénédictions sur lui —, conseilla à son oncle de le garder loin des yeux des Juifs.
L’islam d’Abû Bakr fut le fruit d’un long voyage spirituel à la recherche de la Vérité. En tant que commerçant, il passait une grande part de sa vie à parcourir les déserts de la péninsule arabe fréquentant ainsi ses habitants du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest. Bien qu’étant un fin connaisseur des différentes confessions présentes dans la péninsule, il prêtait une attention particulière aux religions monothéistes. Assis un jour devant la Ka `bah, Ibn Abî As-Salt lui demanda : « Ô quetteur du bien, l’as tu trouvé ? » Abû Bakr répondit : « Non. » Ibn Abî As-Salt dit : « Le Prophète attendu sera issu de parmi nous ou de parmi vous. » N’ayant jamais entendu parler d’un Prophète attendu, Abû Bakr alla s’informer à son sujet auprès de Waraqah Ibn Nawfal. Il dit : « Je me rendis auprès de Waraqah Ibn Nawfal qui scrutait longuement le ciel et poussait souvent des soupirs durant ces méditations. » Waraqah dit : « Oui mon frère, nous sommes les gens du Livre et des sciences, mais ce Prophète sera issu d’une tribu arabe. » Dès le début de la mission prophétique, Abû Bakr fut le premier à croire au Message de Muhammad — paix et bénédictions sur lui — et à apporter son soutien indéfectible à cette cause.
À cet égard, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — dit : « Je n’ai invité personne à embrasser l’islam sans qu’il y ait en lui du recul, de la réflexion et de l’hésitation, sauf Abû Bakr Ibn Abî Quhâfah. Il n’a pas attendu un instant lorsque je lui en ai parlé et n’a point hésité » [9].
Fut-ce par précipitation ou naïveté ? Laissons la réponse aux événements qui suivirent. Un jour, au début de la révélation, les Polythéistes de Quraysh s’attaquèrent violemment au Prophète sous les yeux de ses Compagnons. Devant cette scène, Abû Bakr se précipita à la défense du Prophète en criant : « Tuez-vous un homme parce qu’il dit : « Mon Seigneur est Allâh. » ? » [10] ; ce qui lui valut d’être encerclé et cruellement frappé. Une fois secouru, mais grièvement blessé et son corps tuméfié, Abû Bakr perdit conscience durant le reste de la journée si bien que sa tribu crut qu’il allait certainement y rester.
Mais aussitôt éveillé, il mit de côté les peines et les douleurs dont il souffrait et demanda : « Qu’a t-on fait au Messager d’Allâh ? » Malgré les assurances que sa mère ainsi que Fâtimah Bint Al-Khattâb lui donnèrent que le Prophète était sain et sauf, Abû Bakr insista à s’en assurer lui-même. La nuit tombée, on emmena Abû Bakr chez le Prophète qui, très ému et attristé par ce qui avait touché son Compagnon, se mit à invoquer Dieu pour lui. Mais, aux yeux d’Abû Bakr, même la tristesse ne devait avoir aucune place dans le cœur du Prophète. En guise de consolation pour le Messager d’Allâh, Abû Bakr lui dit : « Je sacrifierais pour toi mes père et mère, ô Messager d’Allâh ! Rien de mal ne m’a touché sauf ces quelques blessures sur mon visage. »
La conversion d’Abû Bakr renforça considérablement les fondements de la nouvelle religion. Sa forte adhésion au Message de l’islam le poussa à défendre, non seulement le Prophète, mais aussi les opprimés et les persécutés parmi les nouveaux musulmans. Ainsi, racheta-t-il sur ses propres deniers la liberté de sept esclaves convertis à l’islam, dont Bilâl Ibn Rabâh et `Âmir Ibn Fuhayrah, afin de les sauver de la ferrule de leurs maîtres. Il eut également le mérite d’être à l’origine de la conversion de cinq Compagnons auxquels Allâh promit le Paradis : `Uthmân Ibn `Affân, `Abd Ar-Rahmân Ibn `Awf, Talhah Ibn `Ubayd Allâh, Sa`d Ibn Abî Waqqâset Az-Zubayr Ibn Al-`Awwâm.
La compagnie du Prophète — paix et bénédictions sur lui — lui était meilleure que la terre et ce qu’elle renfermait comme trésors et représentait pour lui un honneur inestimable. Quand Allâh ordonna à son Prophète d’émigrer vers Médine, Abû Bakr le supplia : « La compagnie, la compagnie, ô Messager d’Allâh ! » Et le Prophète de répondre : « La compagnie, Abû Bakr ! » Il s’agissait d’un voyage risqué et semé d’embûches, mais Dame `Â’ishah dit à cet égard : « Je n’ai jamais vu quelqu’un pleurer de joie comme Abû Bakr ce jour-là. »
Arrivés à la grotte de Thawr, les deux compagnons décidèrent de s’y reposer avant de reprendre leur chemin vers Médine. Abû Bakr demanda au Prophète d’attendre à l’extérieur jusqu’à ce qu’il inspecte la grotte et s’assure qu’aucun danger ne s’y présentait. Trouvant plusieurs cavités susceptibles d’abriter des serpents ou des scorpions, Abû Bakr passa son doigt à l’intérieur de chacune d’entre elles pour s’assurer qu’elle ne contenait rien de nuisible. Il enleva ensuite son manteau, le déchira en morceau et se mit à boucher les trous de la grotte avant d’inviter le Prophète à rentrer. La nuit tombée, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — se coucha auprès d’Abû Bakr qui bouchait de son pied un trou qu’il venait de découvrir. Piqué par un scorpion caché dans ce trou, Abû Bakr étouffa sa douleur afin de ne pas déranger le Prophète, mais ne put empêcher ses larmes de couler. Ce ne fut que quand une larme tomba sur les joues du Prophète, qu’il se réveilla et vit son compagnon en larmes. Préoccupé, le Messager d’Allâh lui demanda : « Qu’as-tu Abû Bakr ! » Il répondit : « Ce n’est qu’une piqûre, ô Messager d’Allâh, pour toi je sacrifierais mes père et mère. » Par le toucher de sa salive bénie, le Prophète — paix et bénédictions sur lui — soigna son Compagnon de la piqûre du scorpion… [11]
De nouveau sur leur chemin, Abû Bakr gardait la route du Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Il marchait tantôt devant lui, tantôt derrière, tantôt à sa droite et tantôt à sa gauche. Remarquant cela, le Messager d’Allâh lui dit : « M’aimes-tu Abû Bakr ? » Abû Bakr répondit : « Oui, ô Messager d’Allâh. » Le Prophète lui demanda : « Es-tu prêt à mourir pour moi ? » Le Véridique répondit : « Oui, car si je meurs, je ne suis qu’un homme ; mais si tu meurs, tu représentes toute cette religion. »
Notes
[1] Récit rapporté par Al-Ghazâlî ; d’après Al-`Irâqî, on ne lui trouve pas d’attribution directe au Prophète — paix et bénédictions sur lui —. Il fut rapporté par Al-Hakîm At-Tirmidhî, dans Nawâdir Al-Usûl selon Bakr Ibn `Abd Allâh Al-Muzanî. Conférer Al-Maqâsid Al-Hasanah d’As-Sakhâwî, p. 196, version électronique d’alwaraq.net. Cette parole est aussi attribuée à Abû Bakr Ibn `Ayyâsh, dans Minhâj As-Sunnah An-Nabawiyyah d’Ibn Taymiyah, vol. 8, p. 493. Ndlr.
[2] « Abû Bakr est après moi le meilleur des hommes hormis les prophètes ». Hadith rapporté par Ibn `Adiyy et At-Tabarânî dans Al-Kabîr.
[3] Tribu qui, à l’époque, était chargée d’acquitter le prix du sang aux familles des victimes de meurtres.
[4] Rapporté par Abû Nu`aym dans Al-Ma`rifah.
[5] Abû Bakr était distingué par un nez très fin et pointu avec des yeux enfoncés et un front bombé.
[6] Bakr est un mot qui provient de la racine « Ba-ka-ra » qui signifie en arabe « prendre l’initiative, être créatif ».
[7] L’évènement d’Al-Isrâ’ wal-Mi`râj eut lieu à un moment où les Musulmans vivaient une épreuve particulièrement difficile. Pour le Prophète, la perte d’un soutien en la personne de son oncle AbûTâlib et de son épouse la Mère des Croyants Khadîjah Bint Khuwaylid et le traitement que lui réserva la tribu d’At-Tâ’if qui harrengua ses idiots contre lui, furent très difficiles à surmonter. Allâh — Exalté soit-Il — lui accorda ce voyage nocturne pour le réconforter. Mais les Polythéistes y trouvèrent un prétexte pour se moquer de lui et faire douter les plus faibles parmi les Musulmans quant à la véracité de son récit, si bien que certains Musulmans renièrent leur foi. Abû Bakr se rendit au Sanctuaire et écouta le récit de Muhammad — paix et bénédictions sur lui — décrivantBayt Al-Maqdis (le temple saint de Jérusalem). Lui-même ayant eu l’occasion de le visiter, il attesta devant les gens de la véracité de ce récit. Ceci raffermit le cœur des croyants et contribua à mettre un terme à la discorde déclenchée par les Polythéistes.
[8] Rapporté par At-Tirmidhî.
[9] Rapporté par Ibn Ishâq dans la Sîrah. Conférer As-Sîrah An-Nabawiyyah d’Ibn Hishâm, p. 82, version électronique d’alwaraq.net ; As-Sîrah Al-Halabiyyah de Nûr Ad-Dîn Al-Halabî, p. 253, version électronique d’alwaraq.net et Subul Al-Hudâ war-Rashâd fî Sîrat Khayr Al-`Ibâd de Shams Ad-Dîn Ash-Shâmî, p. 1143, version électronique d’alwaraq.net. Ndlr.
[10] Sourate 40, Ghâfir, Le Pardonneur, verset 28.
[11] Pour un aperçu plus complet des miracles survenu pendant le voyage de l’hégire, conférer l’article de Sheikh Ibrâhîm Julhûm concernant « Les miracles de l’hégire ».
Source : Islamophile
3 Comments
Récit édifiant pour le coeur et l’esprit.Encore une fois,le témoignage d’amour et de sincérité d’Aboubakr ,à l’égard du Prophète se renforcé par ces écrits.Massalam
Masha’Allah <3
Aboubakr