Au Nom de Dieu, le Clément, le Très Miséricordieux
Avis juridique sur le fait d’avancer la prière nocturne du Ramadan (salât tarawih) dans certaines régions en raison de la tardivité de l’heure de la dernière prière canonique (salât el ichâ).
Question : Les responsables d’associations, de mosquées ainsi que les imams s’interrogent sur la possibilité d’avancer l’accomplissement de la prière tarawih avant l’heure initiale de la prière de al ‘ichâ, qui dans certaines régions et pays européens doit parfois être effectuée après minuit.
Réponse : Il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’une question importante et d’une préoccupation réelle pour les musulmans en général et les associations cultuelles en particulier. Conformément aux règles de la Shari’a, deux réponses peuvent être apportées à cette situation : Premièrement : Il nous est possible de retarder l’accomplissement dans la mosquée de la prière du maghreb afin de laisser les fidèles rompre leur jeûne chez eux pour ensuite rejoindre les mosquées après 20 voire 40 minutes et accomplir ainsi salât al maghreb en la regroupant avec la prière de al ‘ichâ. Cette possibilité se fonde sur le fait que le Messager de Dieu – que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui – a rassemblé les prières du dhohr (midi) et du ‘asr (après-midi) ainsi que celles du maghreb (crépuscule) et du icha (nuit) alors même qu’il était à Médine et qu’il n’avait pas de justifications. Et lorsque Ibn ‘Abbas fut interrogé sur cette pratique, sa réponse fut la suivante : « Le Prophète – que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui – a tenu à ce qu’il n’y ait pas de pénibilité infligée à la Communauté ». [Rapporté par Mouslim]. C’est sur ce fondement que l’École textualiste Dhahirite et l’imam Ach’hab de l’École Malikite ont autorisé ce regroupement des prières sans avoir à justifier d’un motif particulier (voyage, travail, peur, etc.).
Ceci rappelé, au cas présent, il existe un motif réel qui consiste à alléger aux gens leur adoration. Ainsi, après avoir regroupé les deux dernières prières canoniques et réaliser la prière de tarawih, les fidèles pourront retourner chez eux avant la survenance de la prière de al ‘ichâ. Ceci est permis dans la mesure où le fait de retarder la prière du maghreb afin de permettre aux gens de rompre tranquillement leur jeûne chez eux, ne s’oppose en rien aux Textes selon la très grande majorité des savants spécialistes. D’ailleurs, on peut remarquer que depuis plusieurs décennies, la Mosquée Sacrée de La Mecque retarde de 10 à 15 minutes pour la prière du maghreb afin de faciliter la succession entre la rupture du jeûne et l’accomplissement de la prière. On peut aussi rajouter le fait que l’un des objectifs réalisé par cette mesure est de permettre la réunion d’un plus grand nombre de fidèles pour la prière collective.
De même, il est notoirement autorisé d’avancer la tenue de la prière nocturne de tarawih avant la dernière prière du al ‘ichâ et ceci sur la base des propos de certains théologiens de l’École Hanafite tels que Badreddine Al-‘Ayny et Ibn ‘Abidine selon lesquels on compterait généralement trois avis sur cette question dont celui-ci: Il est possible de considérer que le temps légal d’accomplissement de tarawih s’étend durant toute la nuit. De la même manière, il est également permis de commencer la prière du tarawih avant salat al ‘icha et de la continuer après.
Enfin, toujours selon le même avis, il est autorisé de commencer la prière du tarawih avant le witr (dernière unité de prière surérogatoire) et de la terminer après. Cet avis, même s’il est très probable que ce ne soit pas la position majoritairement partagée de l’École Hanafite, a néanmoins été rapporté par Isma’il Az-Zâhed et d’autres théologiens de Boukhara (Ouzbékistan) qui, confrontés à une situation identique à celle que les musulmans européens connaissent, ont opté pour cette position. Je considère cette position comme étant équilibrée, juste et dans l’intérêt des Croyants qui pourront ainsi continuer sans peine à bénéficier en masse avec leurs enfants, des immenses bienfaits spirituels durant les nuits bénies du Ramadan.
Deuxièmement : Il serait également possible pour les fidèles d’accomplir la prière du maghreb en son heure et de se rendre à la mosquée environ 30 minutes après pour commencer les prières nocturnes de tarawih avant la dernière prière de al ‘ichâ et ce, conformément à l’avis hanafite mentionné plus haut. Dans ce cas, une fois la prière du tarawih terminée, l’imam n’aura plus qu’à accomplir la prière du icha en son temps et conclure par le witr. Cependant, cette dernière possibilité, du fait de l’heure tardive de la prière, peut engendrer une trop grande difficulté à celles et ceux qui travaillent, de même que ceux qui auraient des difficultés pour se lever pour la collation avant le jeûne – souhour – ou pour accomplir tout simplement la prière canonique de l’aube fajr en son temps. De la même manière, son application peut causer un certain nombre de désagréments et de nuisances nocturnes envers le voisinage non musulman. Dans ce cas de figure, et en dépit du fait que les gens puissent être étonnés par cette solution, la première possibilité reste à mon sens la plus fidèle aux finalités de notre Législation (maqasid achari’a). Elle sera d’autant mieux adoptée qu’elle constitue réellement une facilité et un allègement pour les fidèles leur permettant de veiller les nuits du Ramadan dans la prière, la lecture du coran et dans les invocations. Enfin, la première solution œuvre également à la conservation de ce grand rite surtout pour les musulmans vivant dans les pays non musulmans.
Paris, le 16 shaâban 1434 (25 juin 2013) Cheikh Ounis Guergah. Membre du Conseil Européen de la Fatwa et de la Recherche Ancien président de Dar al Fatwa. Professeur de droit comparé à l’IESH de Paris.
Union des Organisations Islamiques de France,
La Courneuve, le 5 juin 2016.
8 Comments
Ah bon !!
Et pourquoi cette question n’ a jamais été posée en Arabie ? et Pourquoi cela n’a jamais été instauré par les compagnons et prophète ?
Pourquoi un conseil européen de la fatwa alors qu’il y a déjà un conseil de la fatwa en arabie ?
J’espère que ce commentaire sera affiché sur votre site, si vous êtes des gens sincères et véridiques
Salam,
Pourquoi cette question n’a jamais été posée en Arabie Saoudite ?
Parce les nuits sont bien plus longues là-bas pendant l’été, ce qui ne pose aucun problème éventuel de repos.
Pourquoi un conseil européen de la fatwa alors qu’il existe un conseil de la fatwa en Arabie Saoudite ?
Parce-que nous vivons en Europe et pas en Arabie Saoudite et que forcément des européens connaissant nos mœurs et coutumes, seront toujours mieux placés pour statuer sur une problématique qui nous touche qu’un conseil de Fatwa qui se trouverai à des milliers de kilomètres de ou nous vivons et qui ne connaît pas nos mœurs et coutumes, qu’il soit en Arabie ou ailleurs.
Et pour finir, pourquoi ce commentaire n’aurait-il pas été affiché ?
L’islam est transparent et les discussions sont toujours bénéfiques si elles sont de bonnes foies et intelligentes.
Et c’est quoi l’Arabie??
Sans trop chercher les dalils la solution la plus simple est à mon sens de regrouper le tout. A l’heure du Maghreb on accompli le maghreb puis ichaa puis tarawih d’une traite. C’est la meilleur solution sans trop philosopher avec tout les respects que j’ai envers Cheikh Ounis. Allahoua3lem
Salam yaa Akhi,
Je vous remercie pour votre réflexion pertinente et vous encourage pour le travail combien important que vous réalisez pour toute la communauté.
Je suis d’avis que notre religion qu’est l’islam s’arrange toujours afin d’éviter d’infliger à la communauté toute pénibilité.
Cependant la question que je me pose est la suivante:
Ne devrions pas nous rendre grâce à notre seigneur et faire un effort de 29 ou 30 jours sur 365 jours?
Cordialement
Salam alaykoum,
Cheikh répond à une question qui n’est pas selon moi la préoccupations, première, des responsables de mosquées, d’associations et d’imams.
En effet, la vraie question n’est pas le fait d’avancer ou pas la prière de « tarawih », mais surtout d’avoir le droit ou non d’avancer la prière du isha avant son heure légale pendant l’été, étant donné que le « tarawih » ne peut pas être une gêne puisque ce n’est pas une prière obligatoire contrairement à la prière du isha.
Avancer l’heure du isha dans certaines mosquées pendant l’été cause beaucoup de discorde entre certains fidèles, influencés par des dignitaires religieux vivant dans les pays du golfs, ne connaissant donc pas la réalité du terrain et responsables de mosquées.
C’est donc sur un rite obligatoire que le cheikh aurait du être interrogé et pas sur un rite facultatif.
La question posée, existe et peut-être intéressante mais elle ne mérite pas qu’elle soit en une du site.
La priorité de vos « une » doive donc être faite sur la facilité ou non de la pratique d’un rite obligatoire et encore plus si celle-là provoque des discordes comme c’est le cas à l’heure actuelle.
Réponse clairvoyante.
Les avis seront toujours partagés.
Même en vivant dans le même pays, nous n’aurons pas tous le même avis. Et vivant en France, je me permets de donner mon avis :
Je suis d’accord avec Monsieur GUEYE qui dit qu’il est important de faire l’effort pendant 29 ou 30 jours sur 365 jours dans l’année. Il a tout à fait raison.
MAIS, il est vrai aussi que dans le Saint Coran ALLAH ne nous veut aucune contrainte, mais nous veut la facilité. L’essentiel est de L’adorer de façon sincère et on ne peut être sincère qu’en étant à l’aise. Il ne s’agit pas de « bâcler » la prière vite fait pour s’en débarrasser ou à moitié endormi.
Pour ceux qui travaillent, il est effectivement très pénible de jeûner en plein été et de ne pouvoir se reposer la nuit qui est très
courte.
Mais il est préférable de rompre le jeûne avec des dattes et un peu de lait, puis faire salat Maghreb, avant de se jeter sur la nourriture et ne pas pouvoir se lever ou se lever difficilement.
Car une fois qu’on a mangé, c’est la digestion qui commence et il est difficile de prier. (Personnellement j’ai tendance à somnoler)
Du temps du Prophète Paix et bénédictions sur lui, les gens travaillaient aussi, mais ils n’avaient pas le stress que nous avons aujourd’hui dans notre vie moderne. Pourtant nous avons tous les appareils qui nous facilitent la vie …
Normalement, nous ne devrions même pas se poser cette question. Nous ne sommes plus des Musulmans sinon nous ne changerions pas ces pratiques ancestrales.
1 mois dans l’année où le rythme de vie est inversé, sans gêner personne, ni le voisin, ni le travail, faire la fête à la fin du mois, tous ensemble, dans la joie et la bonne humeur, avec des enfants portant leurs vêtements neufs et qui sont reçus par les voisins … il semble loin, le bon vieux temps ! …
Il est même question de permettre aux élèves de manger pendant la période des examens! Moi de mon temps cela n’existait pas. Au lycée comme à l’université, j’ai jeûné. Dans un pays chaud comme l’Algérie. Je maigrissais, je n’avais besoin d’aucun autre régime. (soit dit en passant aux femmes qui veulent maigrir …)
On a aussi permis aux joueurs olympiques de manger…
Ce qui rend la chose pénible, c’est le changement d’heure d’été qui commence fin mars et se termine fin octobre ! car le Îchaa
ne devrait pas dépasser 22h.
A Paris:
Le samedi 26 mars, il est à 20h28. Le dimanche 27 mars il est à 21h29. C’est un changement d’heure qui n’apporte aucune économie et ne fait de bien à personne. Il y a eu des effets négatifs sur beaucoup d’êtres et des animaux et il était question de ne plus changer d’heure, mais cela a continué quand même … il n’y a que l’Angleterre qui ne l’applique pas.
Le 30 Juin , le Îchaa est à 23h44 ! au lieu de 22h44. et le Maghreb à 22h au lieu de 21h. on peut éventuellement retarder d’1/4 h le Îchaa pour un peu mieux digérer. Et sans le changement d’heure, on peut finir les prières avec Tarawih, avant minuit.
Pour le mois de Ramadan, on ne peut pas regrouper Maghreb et Îchaa. Fatiha
on devrait pouvoir boire entre Fajr et Chourouk, en été.