Au nom de Dieu le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux
Que les prières et la paix soient sur le Prophète Mohamed.
Mesdames, Messieurs,
Chers honorables invités,
Chers Messieurs les Ambassadeurs
Chers honorables conférenciers,
Chers amis, Chères sœurs, Chers frères,
Nous rendons grâce à Dieu d’avoir permis la tenue de cette 34ème Rencontre Annuelle des Musulmans de France (RAMF). Ces quatre jours sont toujours de grands moments de spiritualité, de fraternité et de dialogue. Nous sommes heureux de les vivre avec vous aujourd’hui. Nous vous remercions de votre présence et de votre fidélité.
J’adresse mes vives remerciements à Monsieur le Préfet de la Seine Saint Denis, Pierre-André DURAND, le Préfet délégué pour la sureté et la sécurité des plates-formes aéroportuaires, François MAINSARD, et l’ensemble de ses services de la Préfecture qui a facilité la tenue de cette rencontre et notamment les services de police qui veillent à l’ordre, à la sécurité et à la bonne gestion des flux. Nous remercions également les maires du Bourget, Monsieur Vincent Capo-Cannellas, de Dugny, Monsieur André Veissière et de La Courneuve, Monsieur Gilles Poux, pour leur accompagnement.
Je remercie l’ensemble de nos invités qui nous ont honorés de leur présence à la Réception Annuelle ainsi que les deux cents intervenants et conférenciers, le millier d’exposants. Je remercie les représentations diplomatiques, les responsables associatifs de France et d’Europe, les aumôniers nationaux, les imams et l’ensemble de nos partenaires.
Je tiens, en votre nom, à remercier chaleureusement les centaines de bénévoles qui déploient des efforts considérables pour le bien-être de tous.
Cette année, nous avons choisi de mettre les « musulmans de France » à l’honneur. Non pas la fédération que j’ai l’honneur de présider et qui, ce n’est pas un scoop, a décidé de porter ce nouveau nom ; mais c’est bien vous, chacun de vous, qui êtes à l’honneur dans cette 34ème Rencontre Annuelle des Musulmans de France.
Depuis des décennies, les musulmans contribuent à l’essor de ce pays. La foi musulmane qu’ils professent contribue à leur épanouissement et à celui de ceux qui les entourent. « Musulmans de France : Foi, Epanouissement, Contributions » un titre, une phrase pour dire :
Permettez-moi de prendre le temps d’évoquer avec vous et en toute franchise, le changement de nom que nous avons le plaisir d’officialiser aujourd’hui. L’Union des Organisations Islamiques de France devient « Musulmans de France ». Ce changement est une évolution naturelle et devient pour nous une évidence.
Nous avons évolué, idéologiquement et structurellement, en trois étapes :
La première fut celle de l’adaptation : entre la fin des années 70 jusqu’au milieu des années 80, nous vivions alors un « islam transitoire » incarné par les étudiants ou les travailleurs que nous étions et qui essayaient, tant bien que mal, de s’adapter à un nouveau contexte qui demeurait temporaire dans nos esprits. C’était l’époque de l’« Union d’Organisation Islamique en France », pour accompagner un islam transitoire. Le titre est très évocateur à ce titre. Notre mouvement était alors élitiste et exigeait un investissement intellectuel, spirituel et moral important.
Avec l’irruption de la deuxième génération et l’installation durable des familles, au milieu des années quatre-vingt, notre perception théologique évolua. Nous avions compris la responsabilité de penser l’islam dans un contexte socioculturel nouveau. Nous avons organisé à cet effet des colloques théologiques sur la légitimité de la résidence définitive du musulman en France puis le sujet de l’acquisition de la nationalité française. Une chose évidente aujourd’hui, ce qui n’était pas le cas à l’époque. Nous avions gagné la bataille théologique qui vise à réconcilier la francité et l’islamité de nos coreligionnaires. Un combat aujourd’hui oublié.
Afin de répondre aux besoins de cette jeune communauté, l’UOIF s’est employée à fournir des structures et à monter des projets : constructions de lieux de culte, instituts de formation des imams, enseignement de l’arabe et de l’islam au grand public, création d’associations cultuelles et culturelles etc. Cela a été concomitant à une prise de conscience de l’émergence d’une identité française et musulmane.
La seconde étape est celle de l’émancipation : les musulmans de France prennent pleinement conscience de leur citoyenneté et réclament les droits qui en découlent. Le volet théologique voit aussi une évolution majeure : sortir des traditions séculaires et réfléchir l’islam de manière ontologique. Il fallait aussi rompre avec les considérations ethniques.
C’est l’étape durant laquelle l’« Union des Organisations en France » est devenue alors « Union des Organisations islamiques de France » pour marquer cette installation de l’islam, des années quatre-vingt jusqu’aux années quatre-vingts dix. L’UOIF a travaillé le fait qu’être musulman et français était parfaitement compatible, mais il fallait accompagner cela d’un travail théologique d’envergure, et cela n’est pas encore achevé. La perceptive de l’époque était celle d’une intégration conforme à la légalité juridique française, un discours sur l’adaptation de l’islam au cadre laïque de la République, accompagnée d’une revendication de droits religieux légaux avec parfois des moments difficiles, aussi bien dans la stratégie que dans la communication.
Certes, L’UOIF était à l’initiative de la création d’associations cultuelles, culturelles, humanitaires, des institutions de formation religieuse, des établissements scolaires privés… mais jamais l’idée de créer un parti politique musulman n’a effleuré son esprit. Elle la réfute, voire elle l’a combat, renvoyant les musulmans aux partis politiques en place et à leur engagement citoyen personnel.
Enfin, nous sommes au troisième moment de notre histoire. Aujourd’hui, l’UOIF devient « Musulmans de France » et entre dans une phase de sécularisation, c’est-à-dire revenir aux contenus religieux et aux développements théologiques issus de notre école réformiste, mais aussi au niveau organisationnel où nous ouvrons l’adhésion à toutes les personnes physiques. Nous n’avons pas prétention de représenter tous les musulmans, loin de là, nous sommes juste une partie des musulmans de France.
Après plusieurs années de travaux, nous avons rédigé une charte, préalable à toute adhésion, qui explique qui nous sommes et quelles sont les valeurs qui nous animent.
Nous affirmons ici sans ambiguïté ce qui a toujours état le cas pour l’UOIF mais avec plus d’insistance encore : « Musulmans de France » est contre un communautariste qui revendiquerait pour les musulmans de France un quelconque privilège au dépens de l’intérêt de la nation à laquelle notre communauté musulmane spirituelle demeure intégrée et fidèle. Notre Constitution est la Constitution française et notre droit est le droit français. C’est au sein de ce cadre républicain que nous entendons interpréter et pratiquer notre religion, pour ceux qui ont fait le choix de pratiquer. Sans renoncer à notre éthique de responsabilité nous allons continuer à exprimer nos convictions en gardant toujours une perspective d’apaisement. Vu le tournant historique très sensible que traverse la France, nous revendiquons une lecture de l’islam en tant que spiritualité, pratiques cultuelles et éthiques et qui prend en considération les perceptions, les mentalités et les peurs de nos concitoyens français.
Nous passons de l’adaptation légale de l’islam à une perspective de son acculturation afin que chacun d’entre nous vive pleinement sa foi, sans distorsion, sans schizophrénie et en phase avec son époque. Un islam qui reste l’islam, avec ses piliers, son dogme, ses pratiques mais vécus dans la paix et la dignité avec tous nos concitoyens.
Nous voilà réunis pour faire vivre cette fraternité, cet engagement pour le bien de l’autre, pour nous ressourcer autour du message de Dieu le Très-Haut afin de mieux comprendre notre mission sur Terre : être à la hauteur de nos responsabilités vis-à-vis des hommes mais pas seulement, aussi vis-à-vis du monde qui nous entoure.
Cette responsabilité indique deux niveaux : le niveau individuel et le niveau collectif. L’échéance des élections présidentielles est un grand moment de responsabilité individuelle et collective. Elles permettent à chacun de participer à un choix décisif pour la direction de notre pays et donc sur notre avenir commun.
Nous devons dire, d’emblée, que nous ne comprenons pas les discours religieux qui visent à interdire toute participation citoyenne et notamment l’exercice du droit de vote. Cette interprétation, pour nous, n’a pas de fondements et enferme les gens dans une religiosité en rupture avec leur temps et avec leurs contemporains.
Les musulmans de France sont des citoyens comme les autres et témoignent de convictions politiques diverses et variées. Et cela prouve, non point s’en faut, que les citoyens de confession musulmane n’ont pas à être réduits, par eux-mêmes ou par d’autres, à des êtres uniquement religieux.
La grandeur du message de Dieu réside à ce qu’une partie importante de celui- ci consiste en des valeurs universelles, en des principes de haute moralité. Elles ne peuvent être contenues en une vision unique du monde et donc, en une seule pensée politique.
Notre message est simple et il est double : votez, faites entendre votre voix ! Votez !
N’oublions pas le prix du droit de vote pour ceux qui se sont sacrifiés, pour ceux qui en sont privés et qui en rêvent, pour ceux qui sont massacrés pour avoir manifester la volonté de vouloir choisir, ceux qui attendent dans les geôles ou y sont torturés, ceux qui ont dû quitter leur pays … Votez !
Votez comme vous l’entendez mais notre devoir moral exige que l’on dénonce ensemble le danger de l’extrême droite et de ses idées qui mettent à mal les principes de notre république et le bien vivre-ensemble.
Nous le disons sans réserve : préservons la France, notre pays, de la menace de l’extrême droite. Et je ne dis pas cela parce que son parti politique réclame notre dissolution tous les quatre matins, non. D’ailleurs, l’organisation des Frères Musulmans dont l’extrême droite parle. Je ne sais pas où ils sont. Ils ne sont pas ici.
Ceci étant, notre fédération est une organisation religieuse, nous n’entrerons jamais dans des débats partisans, ni nous ne soutiendrons pas un candidat en particulier. Mais nous les interpellons tous, car nous avons un certain nombre de préoccupations.
En tant qu’organisation religieuse, nous sommes apolitiques mais nous parlons avec tout le monde. Nous interpellons les responsables politiques, actuels et à venir, sur un certain nombre de sujets en lien avec l’islam ou les musulmans. Nous écoutons tout le monde aussi et nous sommes souvent inquiets, voire très préoccupés par les discours politiques qui, dans un calcul électoraliste simpliste, sacrifient les valeurs républicaines d’égalité, de fraternité et de laïcité. Les musulmans de France, riches de leur histoire, de leur expérience et de leur patrimoine sont à même de prendre en charge leur destin. Cela fait plus de quarante ans qu’ils s’y emploient, parfois avec difficultés, parfois avec succès.
Œuvrons, travaillons à une société plus juste, plus fraternelle, plus humaine, plus écologique, plus progressiste mais ne choisissons jamais le chemin, facile et en pente descendante, de la haine, du racisme, de l’antisémitisme, de la xénophobie.
Les prises de paroles publiques doivent se garder de tout amalgame. A nous le travail religieux, à l’Ecole, aux élus locaux, aux politiques sociales et économiques le leur. Depuis près de quarante ans nous tenons un discours de tolérance, d’ouverture, de paix et de respect des lois. Nous prévenons la radicalisation par cette compréhension éclairée de l’islam, continuons notre travail mais il ne faut pas exiger des musulmans, et en particulier des imams, qu’ils résolvent tous les problèmes conduisant à des comportements radicaux. Malheureusement, les imams sont accusés, injustement, d’être la source du mal alors qu’ils œuvrent, avec peu de moyens, à orienter la jeunesse vers les études, le travail et la bonne entente familiale. C’est un mauvais et faux procès que l’on fait à nos imams et que nous dénonçons.
Enfin, comme chacun de nous, le sort du monde nous préoccupe fortement. Dans une Europe où le populisme gagne du terrain nous rappelons l’importance du message que nous, européens, devons porter. Celui bien sûr de la démocratie et des droits de l’homme, et donc d’un meilleur accueil des populations qui fuient l’horreur de la guerre.
Pendant que la mer méditerranée devient un cimetière, que des enfants sont gazés en Syrie par un régime abject auquel personne ne s’oppose et qui n’en est pas à sa première attaque chimique avérée, que la colonisation s’intensifie dans les territoires palestiniens, que les centaines d’attentats annuels à travers le monde sèment le chaos et le désespoir…la guerre s’étend. La guerre s’étend avec ses maux, elle s’abat sur des civils, sur des enfants qui ne connaîtront plus jamais l’innocence de l’enfance. Chaque enfant qui meurt est une meurtrissure dans nos cœurs et une honte pour nous car nous n’avons pas pu les protéger.
Musulmans de France, nous devons nous élever et nous mobiliser pour toutes les causes justes. Vaincre tout malheur qui touche nos compatriotes et plus largement, ceux qui souffrent et qui appellent à l’aide.
Musulmans de France, nous souhaitons faire respecter notre dignité et la liberté de conscience inaliénable.
Musulmans de France, vous êtes des artisans de la Paix. Nous devons nous consacrer à l’apaisement, à la pacification dans chacune de nos relations ou positions. Dieu est Paix et Il est Doux.
Musulmans de France, nous avons encore un long chemin à parcourir, ensemble, pour que l’islam trouve sa place comme n’importe quel autre culte. Nous avons une obligation de réussir ce défi pour les générations à venir.
Musulmans de France, nous devons redoubler d’efforts dans l’éducation de nos enfants et le bien-être de toute la famille. Œuvrer pour comprendre notre religion, assimiler ses valeurs pour pouvoir les partager avec tous. Faire de nos mosquées des lieux ouverts, lieux d’apprentissages, de débats et de culture pour tous.
Musulmans de France, regardons vers l’avenir et ouvrons le champ des possibles. Notre pays a besoin de toutes les contributions et notre foi a besoin de bonnes actions sincères pour s’épanouir, soyons donc au service de Dieu en servant les autres.
Vive Musulmans de France !
Mesdames, messieurs, je vous remercie.